Un Référendum décisif : entre espoir de renouveau et soupçons de calcul politique
Ce dimanche 21 septembre, l’attention du pays se tourne vers les urnes. Sur une population de 14,5 millions d’habitants, plus de 6,5 millions de citoyens ont été convoqués pour se prononcer sur un texte qui pourrait redessiner en profondeur l’architecture institutionnelle nationale.
Le scrutin n’est pourtant pas unanimement suivi : les figures majeures de l’opposition, exilées à l’étranger, appellent à boycotter ce rendez-vous qu’elles jugent biaisé.
Dans plusieurs centres de vote visités, l’ambiance varie fortement. Ici, quelques files patientent devant les urnes dans une atmosphère de relative sérénité. Là, au contraire, les bureaux paraissent clairsemés, avec une participation timide. Les observateurs, supposés garantir la transparence du processus, brillent par leur quasi-absence, ce qui nourrit d’ores et déjà les interrogations.

Un texte fondateur aux promesses ambitieuses
Le projet constitutionnel soumis à l’approbation des électeurs s’articule autour de 199 articles. Derrière ce chiffre, des ambitions affichées : instaurer une couverture santé universelle, rendre l’éducation gratuite jusqu’à la fin du secondaire, ou encore poser des garde-fous plus stricts contre la corruption.
Le texte propose aussi une réforme territoriale en profondeur, avec une décentralisation renforcée pour mieux répondre aux fractures régionales et ethniques qui ont régulièrement fragilisé la cohésion nationale. L’idée affichée par les rédacteurs est claire : tourner la page des décennies de crises répétées et construire les bases d’un État plus équitable et plus inclusif.

Des changements politiques majeurs
Parmi les articles les plus commentés figure l’allongement du mandat présidentiel : désormais fixé à sept ans, il reste limité à deux mandats. S’ajoute une disposition garantissant la possibilité pour tout citoyen de présenter sa candidature.
La question de la représentation des femmes est également mise en avant : au moins 30 % des postes électifs et responsabilités publiques devront leur être réservés, une avancée notable dans un pays où l’accès des femmes aux sphères de décision demeure limité.
Autre mesure symbolique : les anciens présidents se verraient reconnaître une immunité civile et pénale pour les actes commis durant l’exercice de leurs fonctions. Une disposition qui fait grincer des dents, car elle semble mettre les anciens dirigeants à l’abri de toute poursuite.
L’ombre du général Doumbouya

Si certains aspects du projet séduisent, le point qui suscite le plus de critiques reste la possibilité qu’il offre au président de la transition, le général Mamadi Doumbouya, de se présenter à la prochaine élection présidentielle. Or, lors de son arrivée au pouvoir, il avait promis de respecter la charte de la transition, laquelle lui interdisait toute candidature.
Pour ses opposants, le référendum n’est qu’un instrument taillé sur mesure pour légitimer ses ambitions personnelles.
Ce paradoxe alimente la méfiance. Les uns y voient un espoir de stabilité et de réforme sociale. Les autres dénoncent une manœuvre politique habilement déguisée en réforme constitutionnelle.
Un scrutin sous haute surveillance

Afin de garantir le bon déroulement de cette journée décisive, 45 000 membres des forces de défense et de sécurité ont été déployés à travers le pays selon le haut commendant de la gendarmerie Balla Samoura. Leur présence massive illustre l’importance accordée au maintien de l’ordre, mais rappelle aussi la tension qui entoure ce rendez-vous électoral.
Entre renouveau et incertitudes
Le vote du 21 septembre ne se limite donc pas à l’adoption d’un texte juridique : il symbolise la volonté ou non d’une nation de se redéfinir après des années de turbulences. L’issue du scrutin sera déterminante : ouvrira-t-elle réellement la voie vers un État plus inclusif et équitable, ou ne servira-t-elle qu’à consolider le pouvoir d’un homme qui s’était pourtant engagé à se retirer ?
Quoi qu’il en soit, ce référendum restera comme une étape clé du processus de transition, entre espoirs populaires et soupçons persistants.
