Aliou Bah : un emprisonnement politique sous le régime de Mamady Doumbouya
Depuis le coup d’État de septembre 2021, la Guinée vit sous la direction du général Mamady Doumbouya et de son CNRD (Comité national du rassemblement pour le développement). À l’époque, beaucoup avaient placé un espoir dans ses promesses de transition vers un régime civil. Mais, au fil du temps, ces promesses semblent de plus en plus s’effriter.
La liberté d’expression bafouée, opposition muselée, intimidations à répétition : les signaux d’un durcissement autoritaire sont clairs. C’est dans ce contexte que s’inscrit l’affaire Aliou Bah, président du parti d’opposition MoDeL. Sa voix critique dérangeait le régime, et aujourd’hui il paie le prix fort pour avoir osé dénoncer ce qu’il considère comme l’« incompétence » du CNRD et pour avoir appelé les leaders religieux à sortir de leur silence.
Une arrestation et une condamnation lourdes de sens, Aliou Bah a été arrêté fin décembre 2024. Rapidement, il a été accusé « d’offense » et de « diffamation » envers Mamady Doumbouya. Le 7 janvier 2025, le Tribunal de première instance de Kaloum l’a condamné à deux ans de prison ferme. En appel, le parquet est allé encore plus loin, réclamant cinq ans. Finalement, la Cour d’appel a confirmé la peine initiale de deux ans.Au-delà du verdict, c’est la nature même de cette affaire qui interpelle. Peut-on, en Guinée aujourd’hui, critiquer librement ceux qui gouvernent sans risquer la prison ?Pourquoi cette affaire choque?

La liberté d’expression piétinée : Aliou Bah n’a fait qu’exprimer une opinion politique. Dans une démocratie, critiquer le pouvoir en place, même durement, est un droit fondamental.
Une justice instrumentalisée : L’accusation repose sur des termes vagues comme « offense » ou « diffamation » contre le chef de l’État, laissant une marge énorme d’interprétation.
Tout laisse penser que la justice sert ici à faire taire un opposant gênant. Une peine disproportionnée : Deux ans de prison pour des propos politiques, c’est excessif. Le fait même que le parquet ait trouvé cette sanction « trop clémente » et demandé cinq ans montre la volonté de faire un exemple.
Un message politique déguisé en jugement : Derrière ce procès, beaucoup voient un signal clair envoyé à toute la classe politique et à la société civile : « osez critiquer, et vous connaîtrez le même sort ». Des réactions au-delà des frontières. Le parti MoDeL a dénoncé une instrumentalisation politique de la justice et appelé à la mobilisation. Sur la scène internationale, plusieurs ONG de défense des droits humains et même l’Union européenne ont exprimé leurs inquiétudes, exhortant le régime guinéen à respecter la liberté d’expression et le pluralisme politique.
Ce que cela dit de la Guinée d’aujourd’hui, l’emprisonnement d’Aliou Bah illustre les contradictions flagrantes du régime de Mamady Doumbouya. D’un côté, il promet un retour à la démocratie. De l’autre, il punit sévèrement ceux qui contestent son autorité.
Peu importe qu’on partage ou non les idées d’Aliou Bah : ce procès ressemble beaucoup plus à un règlement de comptes politique qu’à une véritable justice impartiale. Une vraie transition démocratique devrait reposer sur trois piliers :garantir la liberté d’expression, même pour les opposants, assurer une justice indépendante, organiser des procès équitables et transparents. Tant que ces principes ne seront pas respectés, la Guinée restera prisonnière d’un pouvoir qui utilise la justice comme une arme politique. L’affaire Aliou Bah en est, malheureusement, l’exemple parfait.
