Le fer, enjeu mondial et opportunité pour la Guinée
Le fer demeure un minerai stratégique pour l’industrie mondiale, en particulier la sidérurgie. Sa demande, soutenue par les besoins en infrastructures, automobile et équipements industriels, place les pays producteurs dans une position à la fois enviable et vulnérable.
Pour la Guinée, le fer pourrait être une source de transformation économique. Mais le dossier Simandou illustre aussi les risques de mauvaise gouvernance et de litiges internationaux, à travers notamment l’affaire Beny Steinmetz.

Simandou, géant guinéen et objet de convoitises,
situé dans la chaîne de montagnes du Simandou, au sud-est de la Guinée, le projet est l’un des plus grands gisements inexploités de minerai de fer au monde, estimé à près de 2,8 milliards de tonnes d’un minerai d’une teneur moyenne de 65 %.
Ce potentiel place la Guinée parmi les futurs acteurs majeurs de l’approvisionnement mondial.
Pourtant, Simandou n’est pas qu’un projet minier : il est devenu un symbole des luttes d’influence et des scandales liés à l’attribution de licences.
Le cas de Beny Steinmetz Group Resources (BSGR), accusé d’avoir acquis ses droits miniers dans des conditions entachées de corruption, puis de les avoir revendus partiellement à Vale pour plusieurs milliards de dollars, reste emblématique.
En 2019, un arbitrage international a confirmé que les licences initiales avaient été obtenues de manière frauduleuse, renforçant l’idée que la gouvernance des ressources en Guinée doit être profondément réformée.
Défis structurels et héritage des litiges
Le projet nécessite des infrastructures colossales :
un chemin de fer de plus de 600 km reliant la mine à la côte ; un port en eau profonde apte à recevoir des navires géants ; des investissements estimés à plusieurs dizaines de milliards de dollars.

Mais au-delà du financement, les batailles juridiques héritées de l’affaire Steinmetz ont lourdement retardé la mise en œuvre. Pendant plus d’une décennie, la Guinée a dû arbitrer entre pressions d’investisseurs, accusations de corruption et nécessité de rétablir la transparence dans la gestion de ses ressources.
Potentiel économique et enjeu de gouvernance
Si Simandou aboutit, il pourrait transformer durablement l’économie guinéenne.
Recettes publiques: le fer deviendrait la première source de revenus de l’État.
Infrastructures : le réseau ferroviaire et portuaire dynamiserait aussi le commerce intérieur.
Emplois : plusieurs milliers de postes directs et indirects, avec une montée en compétences locales.
Diversification : une économie moins dépendante de la bauxite et plus intégrée aux marchés mondiaux. Mais l’expérience passée soulève une question cruciale : comment éviter qu’un nouveau “syndrome Simandou” se répète ? Autrement dit, comment empêcher que des acteurs privés s’enrichissent massivement au détriment de l’État et des citoyens ?
Comparaison : le Brésil et l’exemple S11D
Le projet S11D de Vale au Brésil illustre la réussite d’un projet intégré : infrastructures modernes, innovations environnementales et production massive (90 millions de tonnes/an). La Guinée, en comparaison, doit non seulement construire ses infrastructures de zéro, mais aussi rétablir la confiance des investisseurs après l’épisode Steinmetz.

Perspectives : un test pour la gouvernance guinéenne, Simandou n’est pas seulement un projet économique, c’est un test politique et institutionnel. En diversifiant l’offre mondiale de minerai de fer, il pourrait réduire la dépendance des grands acheteurs à l’Australie et au Brésil, donnant à la Guinée une importance géopolitique nouvelle.
Mais l’affaire Beny Steinmetz rappelle que les ressources minières africaines attirent autant les investisseurs que les dérives. La vraie question est donc : la Guinée saura-t-elle transformer Simandou en moteur de prospérité partagée, ou restera-t-il le symbole d’une richesse confisquée ?