Une fête d’indépendance confisquée par les discours creux de Mamady Doumbouya
2 octobre 1958 à 2 octobre 2025: 67 ans d’existence de l’État guinéen.
Chaque année, le 2 octobre revient comme une piqûre de rappel : en 1958, la Guinée a osé dire « non » à la France. Un acte fondateur, qui a valu au pays respect et admiration. Mais soixante-sept ans plus tard, que reste-t-il de cet héritage ? Une indépendance qu’on célèbre à coups de parades officielles et de discours interminables, pendant que la population continue de patauger dans les mêmes difficultés.
Ce 2 octobre 2025 n’a pas échappé à la règle. Mamady Doumbouya, chef de la transition, a encore pris la parole dans son adresse à la Nation. Et comme souvent, beaucoup de bruit, beaucoup d’effets, mais très peu de réponses.
Un discours qui esquive les vraies questions
Le colonel-président s’est voulu rassembleur, patriote, souverainiste. Les mots étaient là : « dignité », « souveraineté », « avenir ». Mais entre les lignes, le vide saute aux yeux.
Rien de concret sur la sortie de transition. Rien sur le calendrier électoral. Rien sur les garanties d’un retour à l’ordre constitutionnel. Comme à chaque occasion solennelle, Doumbouya entretient une ambiguïté qui finit par sonner comme une fuite en avant.
Il se plaît à rappeler que la démocratie est « un modèle importé », qu’elle ne correspond pas toujours aux réalités africaines. Mais ce constat, il le répète depuis 2021. Et après ? Quelle alternative propose-t-il ? Silence radio. La rhétorique souverainiste devient une manière habile de repousser l’échéance et de légitimer son maintien au pouvoir.
La célébration transformée en auto-promotion
Le paradoxe est criant. Doumbouya disait au départ rejeter le culte de la personnalité. Mais aujourd’hui, c’est son image qui sature l’espace public. Ses discours ressemblent davantage à des monologues d’autocélébration qu’à de véritables comptes rendus de transition.
Son adresse à la Nation, censée porter l’esprit du 2 octobre, n’a finalement fait que renforcer une impression de personnalisation du pouvoir. Le héros, ce n’est plus le peuple qui a dit « non » en 1958, c’est lui, Doumbouya, qui se met en avant comme unique garant de la dignité nationale.
Une indépendance symbolique, un peuple toujours en attente
Pendant que les mots résonnent dans les micros et que les caméras filment les cérémonies, la réalité, elle, est tout autre :
Les prix flambent dans les marchés.
L’électricité reste un luxe pour trop de foyers.
La jeunesse, cette même jeunesse qui acclame le 2 octobre, continue de fuir vers l’Europe ou de végéter sans emploi.
Voilà la vérité que le discours n’a pas abordée. Voilà ce qu’on attend d’un chef d’État à cette date historique : des solutions, pas des slogans.
Conclusion : la patience du peuple n’est pas infinie
Le 2 octobre 1958 était un cri de liberté.
Le 2 octobre 2025 ne devrait pas être une mascarade rythmée par des adresses creuses. L’indépendance, c’est une promesse, et cette promesse reste trahie tant que le peuple n’a pas de perspectives claires.
Si Mamady Doumbouya veut rester dans l’histoire autrement que comme un militaire de passage, il doit sortir de la rhétorique et passer aux actes : donner une date, fixer un cap, rendre la parole au peuple. Sans cela, ses adresses à la Nation resteront ce qu’elles sont devenues : des exercices de style, sans âme ni avenir.