Cellou Dalein Diallo : entre conviction, épreuves et zones d’ombre
Je ne suis pas un militant de l’UFDG, ni d’aucun autre parti politique. Mais comme beaucoup de Guinéens, j’observe en analysant le parcours de Cellou Dalein Diallo. Son nom revient dans presque toutes les discussions politiques du pays, que ce soit en Guinée, ou dans la diaspora.
Certains le voient comme un modèle de constance et d’intégrité, d’autres comme un politicien parmi tant d’autres.
Pour ma part, je pense que son histoire mérite d’être racontée avec lucidité sans excès d’admiration ni jugement hâtif.
Un technocrate devenu homme politique
Avant d’être un opposant charismatique, Cellou Dalein Diallo était un haut fonctionnaire respecté. Économiste de formation, il s’est distingué dans l’administration publique par son sérieux et sa compétence.
De ses passages au ministère des Travaux publics et aux Transports, on retient le portrait d’un homme de dossiers, méthodique et efficace. Sa nomination comme Premier ministre en 2004 a semblé confirmer l’image d’un cadre compétent prêt à moderniser la gouvernance.
Mais cette ascension fulgurante dans un système verrouillé n’a pas été sans compromis. Certains estiment qu’il aurait pu prendre ses distances plus tôt vis-à-vis du pouvoir de l’époque. Quoi qu’il en soit, sa rupture avec le régime en 2006 marque le début d’une nouvelle phase de sa vie : celle de l’opposition frontale.
Le dossier Air Guinée : une tache persistante
Le dossier Air Guinée reste l’un des épisodes les plus controversés de sa carrière ministérielle. En tant que ministre des Transports, il avait supervisé la privatisation de la compagnie nationale, un acte qui, selon ses détracteurs, fait de lui un homme politique corrompu.
L’opération, jugée opaque par certains, a été perçue comme un échec de la politique de réforme économique.
De son côté, Cellou Dalein Diallo s’est toujours défendu, expliquant que la compagnie était déjà lourdement endettée et que la privatisation visait à éviter sa faillite totale.
Mais dans l’imaginaire collectif, ce dossier est resté une ombre difficile à effacer, souvent utilisée comme arme politique contre lui. D’ailleurs il est visé par une procédure judiciaire dans l’affaire Air Guinée.

De Premier ministre à opposant : la rupture
Après avoir quitté le gouvernement, il devient membre de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG). Ce parti devient rapidement le principal pôle d’opposition avec son leadership. Son discours sur la démocratie, la justice et la réconciliation nationale séduit une large partie de la population, notamment la jeunesse et la diaspora.
Cependant, son long parcours dans l’opposition n’a pas été un long fleuve tranquille : élections contestées, manifestations réprimées, arrestations de militants, campagnes de dénigrement… Rien ne lui a été épargné.
Et malgré tout, il n’a jamais cessé d’appeler au calme et au dialogue, même quand la tension politique atteignait son paroxysme.
Des épreuves judiciaires et un exil forcé
Ces dernières années, les ennuis judiciaires se sont multipliés. En 2022, il est visé par une procédure concernant la vente de l’avion Air Guinée et l’affaire de sa résidence à Dixinn, une affaire qu’il juge purement politique. Peu après, ses bureaux sont perquisitionnés et il doit quitter la Guinée pour éviter l’arrestation.
Pour ses partisans, ces poursuites ne sont qu’une manière de l’écarter du jeu politique. Pour d’autres, elles soulignent que personne ne devrait être au-dessus de la loi, quelle que soit sa position.
Mais une chose est sûre : cette situation a renforcé son image d’homme traqué mais résilient, fidèle à sa ligne pacifique même depuis l’exil.
Un leader entre admiration et interrogation
Cellou Dalein Diallo est souvent perçu comme un modèle de calme et de maîtrise de soi. Jamais un mot de trop, jamais un appel à la haine. C’est une qualité rare dans un contexte politique aussi tendu que celui de la Guinée.
Mais après tant d’années à la tête de l’opposition, une question se pose : peut-il encore incarner le renouveau ? Certains estiment qu’il représente une génération politique fatiguée, qui peine à se renouveler. D’autres, au contraire, voient en lui le dernier rempart contre la dérive autoritaire.

Un héritage complexe mais réel
Cellou Dalein Diallo est une figure à la fois admirée et controversée. Il a ses partisans fidèles et ses critiques acharnés. Ses qualités de leadership, sa constance et son engagement en faveur de la démocratie sont indéniables. Mais son parcours administratif, marqué par l’affaire Air Guinée et d’autres polémiques, montre aussi qu’il n’est pas exempt de reproches.
En fin de compte, je crois que son héritage dépasse ces contradictions : celui d’un homme qui, malgré les attaques, n’a jamais renoncé à ses convictions ni à sa foi dans la démocratie.
Et dans un pays où l’opposition se paie souvent au prix fort, cela mérite, au minimum, le respect même si on ne partage son idéologie politique.