Paul Biya investi pour un huitième mandat : entre continuité et incertitude
Un serment pour la stabilité
Le Cameroun a vécu ce jeudi 6 novembre un moment à la fois solennel et controversé. Paul Biya, âgé de 92 ans, a officiellement prêté serment pour un huitième mandat consécutif à la tête du pays.
La cérémonie d’investiture, organisée à l’Assemblée nationale de Yaoundé, s’est tenue sous haute sécurité, en présence des parlementaires, des membres du gouvernement et du corps diplomatique. Dans une atmosphère empreinte de gravité, le président a réaffirmé son engagement à « servir le peuple camerounais » et à « préserver la paix et l’unité nationale ».
« Je consacrerai toute mon énergie à garantir la stabilité de notre nation et à protéger les valeurs de la République », a déclaré Paul Biya lors de son discours.
Une victoire contestée par l’opposition
L’élection présidentielle du 12 octobre 2025, qui a conduit à cette nouvelle investiture, continue de susciter la polémique. Selon les chiffres officiels, Paul Biya a recueilli 53,66 % des suffrages, devant Issa Tchiroma Bakary, arrivé deuxième avec un peu plus de 35 %.
Cependant, plusieurs candidats de l’opposition ont rejeté ces résultats, dénonçant des fraudes massives et un manque de transparence dans le processus électoral. Des manifestations sporadiques ont été signalées dans certaines villes, rapidement contenues par les forces de sécurité.
Un dirigeant au règne inégalé
Arrivé au pouvoir en 1982, Paul Biya détient aujourd’hui le record de longévité politique en Afrique centrale. Pour ses partisans, cette expérience est un gage de stabilité et de continuité dans un environnement régional souvent instable.
Mais pour une partie croissante de la population, cette longévité symbolise aussi l’immobilisme et la confiscation du pouvoir. Les jeunes, majoritaires au Cameroun, expriment de plus en plus ouvertement leur frustration face à un système politique qui semble leur échapper.
« Nous avons besoin d’un avenir qui nous ressemble, pas d’un passé qui se répète », confie un jeune étudiant rencontré à l’Université de Yaoundé I.
Des défis économiques et sociaux majeurs
Au-delà du débat politique, le nouveau mandat s’ouvre sur des défis considérables. La crise persistante dans les régions anglophones, le chômage massif des jeunes, la montée du coût de la vie et la lenteur des réformes économiques sont autant de points de tension.
Le président a promis de mettre l’accent sur l’emploi des jeunes, la modernisation des infrastructures et la promotion de la paix, mais beaucoup doutent de la capacité du gouvernement à transformer ces promesses en résultats concrets.
Entre espoir et lassitude
À Yaoundé comme à Douala, les réactions à l’investiture oscillent entre satisfaction et résignation. Les partisans du chef de l’État célèbrent une victoire de la stabilité, tandis que d’autres y voient la continuité d’un système à bout de souffle.
Pour certains observateurs, cette huitième investiture pourrait être la dernière d’un long règne qui aura marqué plusieurs générations.
Un tournant pour le Cameroun
Le Cameroun se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Si la stabilité demeure un atout, la pression sociale et politique s’intensifie. Le nouveau mandat de Paul Biya pourrait ainsi être celui de la transition : vers un renouveau démocratique, ou vers une crise de légitimité encore plus profonde.
« L’histoire retiendra peut-être cette investiture comme celle de la continuité, mais aussi comme le moment où le Cameroun a dû choisir son avenir », conclut un politologue de l’Université de Dschang.

