Du coup d’État militaire au coup d’État politique en Guinée
En septembre 2021, Mamady Doumbouya promettait de restaurer la dignité nationale et de conduire une transition apaisée, sans aucune ambition personnelle. Quatre ans plus tard, cette promesse s’est effondrée. En se portant candidat à la présidentielle du 28 décembre 2025, il tourne le dos à son serment et transforme la transition en une manœuvre politique. Ce qui s’annonçait comme une refondation devient un parjure d’État.
Un coup d’État militaire présenté comme un sursaut patriotique
Le 5 septembre 2021, le colonel Mamady Doumbouya renversait le président Alpha Condé, accusé d’avoir confisqué le pouvoir et trahi l’esprit républicain. Au nom du peuple, il promettait une rupture historique : restaurer la justice, redonner confiance aux institutions et poser les bases d’une démocratie nouvelle.
Au lendemain du coup d’État, beaucoup de Guinéens avaient voulu croire à cet élan. L’armée se présentait comme une force de redressement, pas de conquête. Mais, au fil des mois, les signes d’un basculement sont apparus : concentration du pouvoir, opacité de la gestion, dérives autoritaires, puis glissement progressif vers la personnalisation du pouvoir.
Ce qui devait être une transition s’est lentement transformé en installation durable. L’homme qui disait vouloir “refonder l’État” a commencé à se comporter comme un chef d’État de plein droit.

Une nouvelle constitution taillée sur mesure
L’un des tournants majeurs de cette dérive a été la promulgation d’une nouvelle constitution. Présentée comme l’aboutissement du processus de transition, elle a en réalité été conçue pour rendre Mamady Doumbouya éligible à la prochaine élection présidentielle.
Pourtant, la Charte de la Transition avait défini des règles claires : la transition devait aboutir à un nouveau régime légitime issu d’élections libres et transparentes, sans la participation d’aucun membre du gouvernement de transition ni du CNRD. Ce principe de neutralité visait à garantir la sincérité du processus.
En modifiant les textes à son avantage, le pouvoir de transition a trahi l’esprit même de cette charte. La nouvelle constitution n’a pas été un instrument de refondation, mais un outil de légitimation personnelle. Ce qui devait marquer la fin du pouvoir militaire en a, au contraire, prolongé l’ombre.
Le parjure de 2025 : un coup d’État politique
La décision de Mamady Doumbouya de se porter candidat à la présidentielle du 28 décembre 2025 représente plus qu’un revirement : c’est un parjure politique et moral. Il avait publiquement juré de ne pas participer à la compétition électorale issue de la transition qu’il dirigeait. Ce serment, aujourd’hui violé, symbolise la rupture totale entre la parole donnée et l’action.
En se maintenant par la voie électorale, Doumbouya perpétue le même esprit que celui qu’il prétendait combattre. Ce n’est plus un coup d’État militaire, mais un coup d’État par le droit, un détournement du processus démocratique à des fins personnelles.
Sous couvert de légalité, le chef de la transition a réussi à transformer la promesse d’un retour à l’ordre constitutionnel en un prolongement déguisé de son pouvoir.
Une République trahie, un peuple désabusé
Le peuple guinéen assiste, impuissant, à un scénario qu’il connaît trop bien : celui d’un dirigeant qui promet le changement mais finit par reproduire les mêmes pratiques que ses prédécesseurs. Le parjure de Mamady Doumbouya est plus qu’une déception ; c’est une haute trahison de la République et de l’idée même de la parole d’État.
La confiance, déjà fragilisée par des décennies d’instabilité, se trouve une nouvelle fois brisée. Au lieu de poser les bases d’un renouveau institutionnel, cette transition s’est refermée sur elle-même, jusqu’à devenir un simple tremplin politique.
En 2021, Doumbouya avait pris le pouvoir par les armes. En 2025, il tente de le conserver par le mensonge et trahison du peuple. Dans les deux cas, le résultat est identique : le pouvoir pour lui, la désillusion pour le peuple.
La trahison d’un serment
L’histoire retiendra que Mamady Doumbouya n’a pas seulement manqué à sa parole, mais qu’il a trahi l’essence même de l’État guinéen. Son ambition personnelle a dénaturé la mission de la transition et transformé un espoir collectif en un nouveau cycle de méfiance et de résignation.

La Guinée, encore une fois, se retrouve face à la même tragédie : croire en un sauveur pour finir trahie par lui.
