Fête de l’Armée Guinéenne : entre fierté nationale et poids des coups d’État
Une célébration symbolique pour la Guinée
Chaque 1er novembre, la Guinée célèbre la Fête de l’Armée nationale, une date historique marquant la création des Forces armées guinéennes en 1958.
Cette journée rend hommage aux femmes et aux hommes en uniforme qui ont contribué à la défense et à la souveraineté du pays.
Mais derrière cette célébration se cache une réalité plus complexe : l’armée guinéenne, pilier de la nation, a aussi été au cœur de nombreux coups d’État militaires qui ont profondément marqué l’histoire politique du pays.
Origine et création de l’armée guinéenne
La création de l’armée guinéenne est intimement liée à l’indépendance du pays.
En 1958, sous la direction d’Ahmed Sékou Touré, la Guinée devient la première colonie francophone d’Afrique à dire “non” au maintien sous tutelle française.
Face au départ de l’armée coloniale, la jeune République crée rapidement ses propres forces de défense.
L’objectif était clair : protéger la souveraineté nationale et affirmer l’indépendance du peuple guinéen.
À ses débuts, l’armée guinéenne incarnait l’unité, la discipline et le patriotisme. Elle symbolisait la volonté d’un peuple de prendre en main son destin.
Une armée entre loyauté et pouvoir politique
Au fil des décennies, l’armée guinéenne a souvent joué un rôle au-delà de ses missions républicaines. Depuis l’indépendance, la Guinée a connu plusieurs changements de régime par la force :
- 1984 : Le colonel Lansana Conté prend le pouvoir après la mort de Sékou Touré.
- 2008 : Le capitaine Moussa Dadis Camara s’empare du pouvoir à la suite du décès de Conté.
- 2021 : Le colonel Mamadi Doumbouya renverse Alpha Condé, invoquant la corruption et la mauvaise gouvernance.
Ces évènements ont nourri une image paradoxale : celle d’une armée sauveuse et perturbatrice à la fois.
À chaque coup d’État, les promesses de transition démocratique se sont mêlées à des périodes d’instabilité et de méfiance populaire.
Fêter l’armée guinéenne : entre devoir de mémoire et appel à la réforme
La Fête de l’Armée guinéenne n’est pas qu’une simple cérémonie officielle. C’est une occasion de réflexion nationale.
Comment concilier la fierté d’une institution née de la lutte pour la liberté avec les blessures laissées par les interventions militaires dans la vie politique ?
Célébrer cette journée, c’est reconnaître les sacrifices des soldats, mais aussi regarder lucidement les erreurs du passé.
Pour que la fête ait tout son sens, elle doit être accompagnée d’un engagement sincère :
- renforcer la formation républicaine des militaires,
- garantir la neutralité politique de l’armée,
- et favoriser une véritable culture démocratique.
Vers une armée républicaine et citoyenne
La Guinée ne pourra construire un avenir stable que si son armée devient totalement au service de la République.
Une armée moderne, disciplinée et apolitique est un atout pour la sécurité nationale, le développement et la cohésion sociale.
Les soldats doivent être perçus non pas comme des acteurs politiques, mais comme des gardiens de la paix et du peuple.
Le renforcement de la gouvernance, la transparence dans la gestion des institutions et le respect du pouvoir civil sont les conditions indispensables pour que la Guinée tourne définitivement la page des régimes militaires.
Célébrer l’armée, mais apprendre du passé
La Fête de l’Armée guinéenne doit être plus qu’une commémoration. C’est un appel à la responsabilité collective.
C’est le moment de saluer la bravoure de ceux qui défendent la patrie, tout en exigeant que cette armée reste fidèle à sa mission première : protéger la nation, pas la gouverner.
Les Guinéens méritent une armée républicaine, respectueuse des institutions et des valeurs démocratiques. C’est à ce prix que cette fête pourra devenir un véritable symbole d’unité et de progrès.
