Mamady Doumbouya met en place une direction de campagne solide, mais la présence de Bah Oury interroge
Le Général Mamady Doumbouya a officiellement mis sur pied la direction nationale de sa campagne présidentielle.
Une organisation structurée, dotée d’un leadership expérimenté, mais dont la composition soulève déjà des interrogations sur les choix politiques et les équilibres internes.
Une équipe taillée pour l’efficacité
La direction de campagne s’articule autour d’un triumvirat : Amadou Oury Bah à la tête, assisté de Faya François Bourouno pour la stratégie politique et des opérations, et de Mariama Ciré Sylla pour la coordination administrative et logistique.
Le dispositif se veut « méthodique et inclusif », selon les termes employés par ses concepteurs. L’objectif affiché est de transformer la gestion de la transition en un argument électoral crédible.

Bah Oury, un retour paradoxal au cœur du pouvoir
La désignation d’Amadou Oury Bah comme directeur national de campagne est sans doute le choix le plus commenté.
Ancien opposant historique aux régimes militaires, il avait été, en 2009, l’un des plus farouches détracteurs de la candidature du capitaine Moussa Dadis Camara, qu’il accusait alors de vouloir « confisquer la transition » à des fins personnelles.
Seize ans plus tard, le même Bah Oury se retrouve à la tête de la campagne d’un chef de transition, également officier venu du rang, qui aspire à la magistrature suprême.
Une situation que d’aucuns qualifient d’ironie politique et qui soulève des questions sur la cohérence de son engagement.
« Il était jadis la voix de la raison face à la tentation militaire. Aujourd’hui, il en devient le principal stratège », commente un politologue basé à Conakry.
Certains observateurs y voient une évolution pragmatique : Bah Oury chercherait à accompagner le processus pour garantir une sortie de transition maîtrisée.
D’autres, plus critiques, évoquent un revirement stratégique dicté par le pouvoir, voire un renoncement à ses convictions d’autrefois.

Les jeunes figures de la campagne
Aux côtés du Premier ministre, Faya François Bourouno et Mariama Ciré Sylla incarnent la nouvelle génération politique.
Le premier, rigoureux et méthodique, s’est imposé comme un organisateur efficace au sein de la Fonction publique.
La seconde, technocrate rompue aux rouages des institutions internationales, apporte une touche de crédibilité économique et de discipline administrative à la campagne.
Le tandem Bourouno–Sylla vise à donner une image de modernité et de compétence à la candidature de Mamady Doumbouya, tout en renforçant le message de « refondation de l’État ».
Entre ambition et contradictions
Sur le terrain, la machine de campagne s’active. Les coordinations régionales se multiplient, les affiches fleurissent, et la communication s’intensifie.
Mais dans les coulisses, une question demeure : comment concilier la neutralité de la transition avec la mobilisation politique en faveur du chef de l’État ?
Bah Oury, désormais figure centrale de ce dispositif, se retrouve à devoir défendre une logique qu’il combattait autrefois.
En 2009, il appelait à une transition « neutre, courte et exemplaire ». En 2025, il incarne une transition prolongée et politisée, selon certains de ses anciens alliés.
Cette ambiguïté pourrait devenir un angle d’attaque majeur pour l’opposition, qui dénonce déjà une campagne « institutionnalisée » sous couvert de gestion gouvernementale.

Un test politique majeur pour Doumbouya
Pour Mamady Doumbouya, cette élection représente bien plus qu’un simple scrutin : elle sera le verdict de quatre années de transition et le baromètre de sa capacité à transformer le pouvoir militaire en légitimité électorale.
L’expérience et la notoriété de Bah Oury pourraient jouer en sa faveur, à condition que le Premier ministre parvienne à convaincre qu’il agit par conviction, et non par opportunisme politique.
La nomination d’Amadou Oury Bah à la tête de la campagne de Mamady Doumbouya illustre à la fois la solidité et la fragilité de l’alliance au pouvoir.
Solide, parce qu’elle s’appuie sur des cadres aguerris et des jeunes talents. Fragile, parce qu’elle repose sur des équilibres idéologiques instables et une mémoire politique encore vive.
Quoi qu’il en soit, cette direction de campagne marque une étape décisive : celle où la Guinée observe si sa transition peut vraiment déboucher sur un renouveau démocratique ou si elle s’enferme, une fois encore, dans le cercle des paradoxes politiques.

