L’élection présidentielle en Guinée : abstinence électorale et quête de légitimité politique
L’élection présidentielle organisée en Guinée dans le contexte post-coup d’État militaire soulève d’importantes interrogations quant à sa portée démocratique et à sa capacité à fonder une légitimité politique durable.
Présentée par les autorités de transition comme une étape décisive vers le rétablissement de l’ordre constitutionnel, cette consultation électorale a pourtant été marquée par une abstinence significative, révélatrice d’un malaise politique profond.
Dans les théories classiques de la démocratie représentative, l’élection constitue le mécanisme central par lequel le peuple délègue sa souveraineté.
Or, cette délégation suppose des conditions minimales : pluralisme politique, liberté d’expression, égalité des candidats et confiance dans l’intégrité du processus électoral.
En Guinée, le déroulement de la présidentielle s’est inscrit dans un environnement institutionnel et sécuritaire fortement contrôlé par les autorités issues du coup d’État, ce qui a contribué à fragiliser la crédibilité du scrutin.
L’abstinence massive observée ne saurait être interprétée comme un simple désintérêt civique.
Elle apparaît plutôt comme une forme de contestation silencieuse, voire de retrait stratégique, face à un processus perçu par une partie importante de la population comme non compétitif et prédéterminé.
Dans ce contexte, le non-vote devient un indicateur politique à part entière, traduisant une rupture entre les gouvernants et les gouvernés.
Cette situation met en lumière une tension centrale : celle entre légalité institutionnelle et légitimité politique.
Si l’élection confère au pouvoir une apparence de conformité aux normes constitutionnelles, elle ne garantit pas pour autant l’adhésion populaire.
La littérature en science politique souligne que la légitimité ne résulte pas uniquement du respect formel des procédures électorales, mais également de leur acceptation sociale. En Guinée, cette acceptation semble largement déficiente.
Par ailleurs, la transformation d’un pouvoir militaire en pouvoir civil par le biais d’élections organisées sous contrôle étroit pose la question de l’instrumentalisation du processus électoral.
Dans ce cas précis, l’élection apparaît moins comme un espace de concurrence politique que comme un mécanisme de normalisation du pouvoir existant.
Elle vise davantage à rassurer les partenaires internationaux et à stabiliser l’ordre interne qu’à offrir une véritable alternative politique aux citoyens.
L’abstinence devient alors un symptôme d’une crise plus large de confiance envers les institutions.
Elle révèle les limites d’une transition conduite de manière verticale, sans inclusion réelle des forces sociales et politiques.
En ce sens, la présidentielle guinéenne illustre les risques inhérents aux transitions post-coup d’État lorsque la recherche de légitimation électorale précède la reconstruction d’un consensus national.
En définitive, cette élection pose une question fondamentale pour l’avenir politique de la Guinée : peut-on refonder un ordre démocratique sans participation effective du corps électoral ?
Tant que les causes structurelles de la défiance répression politique, faiblesse institutionnelle et exclusion des acteurs clés ne seront pas traitées, les élections risquent de demeurer des outils formels, incapables de produire une légitimité politique substantielle.
Ainsi, loin de clore la séquence du coup d’État, la présidentielle en prolonge les contradictions, rappelant que la démocratie ne se réduit pas à l’acte de voter, mais repose avant tout sur la reconnaissance mutuelle entre l’État et les citoyens.







