L’enlèvement d’Elhadj Adama Keïta : un acte qui renforce les soupçons sur les méthodes du régime militaire guinéen
À N’Zérékoré, le rapt d’Elhadj Adama Keïta, père du journaliste d’investigation Mamoudou Babila Keïta, continue de provoquer indignation et malaise.
Enlevé à l’aube par des hommes non identifiés, ce vieil homme de 75 ans est aujourd’hui introuvable, et le silence qui entoure sa disparition soulève des questions lourdes de sens.
Un enlèvement qui ne ressemble pas à un simple fait divers
Selon les proches, plusieurs individus encagoulés ont forcé leur entrée avant d’emporter l’homme sans fournir la moindre explication. La veille, des inconnus avaient déjà rôdé autour de la maison sous prétexte d’une livraison.
Difficile, dans ces conditions, de croire à un acte spontané ou isolé.
À N’Zérékoré, nombreux sont ceux qui murmurent que ces méthodes rappellent d’autres disparitions survenues depuis l’arrivée au pouvoir de la junte.
Même si aucune preuve directe n’a été rendue publique, l’enchaînement des faits laisse planer un climat de peur très éloigné des promesses de « refondation » annoncées par les autorités.
L’enquête : un dispositif officiel, mais des doutes persistant
Le parquet local affirme avoir ouvert une enquête « immédiate et approfondie ». Pourtant, la population comme la famille craignent que ces démarches ne soient que protocolaires. Dans un contexte où plusieurs critiques du régime ou leurs proches ont déjà été la cible d’intimidations, la confiance n’est plus au rendez-vous.
L’apparente incapacité des autorités à protéger les citoyens ou à clarifier rapidement de telles situations nourrit l’idée que l’État ne maîtrise plus sa propre sécurité, ou pire, qu’il la manipule selon les intérêts du moment.
La colère et la détermination de Babila Keïta
Depuis l’étranger, son fils, le journaliste Mamoudou Babila Keïta, voit dans cet enlèvement une tentative de le réduire au silence par ricochet. Il l’avait déjà dit : ses enquêtes dérangent. Mais toucher à un homme âgé, malade, sans lien politique, franchit un seuil moral que beaucoup jugent inacceptable.
Face caméra, il a accusé les autorités de laisser prospérer des pratiques d’un autre âge. Sans jamais appeler explicitement à la confrontation, il rappelle que le métier de journaliste n’est pas un crime et qu’aucune opinion ne justifie que l’on s’en prenne à une famille.

Un régime qui s’enfonce dans l’arbitraire
Depuis plusieurs mois, des organisations de défense des droits humains dénoncent une montée des disparitions forcées et des arrestations non justifiées. Bien que le pouvoir militaire rejette toute implication, une partie de la population estime que ces enlèvements suivent un schéma devenu trop régulier pour être anodin.
La tentation d’étouffer les voix critiques est un réflexe que beaucoup de régimes autoritaires ont cultivé avant de sombrer dans l’isolement et l’arbitraire. Si les autorités guinéennes ne veulent pas suivre cette pente dangereuse, elles doivent faire la lumière sur cette affaire et rapidement.
Un appel à la vérité et à la responsabilité
L’affaire d’Elhadj Adama Keïta dépasse le drame familial. Elle teste la capacité des institutions à fonctionner en dehors des pressions politiques, et celle du régime à prouver qu’il ne cautionne pas des pratiques clandestines visant les proches de journalistes ou d’opposants.
J’appelle les autorités à agir avec transparence, à protéger tous les citoyens sans distinction, et à garantir que la Guinée ne devienne pas un pays où la critique se paie par la disparition d’un parent.
La justice, lorsqu’elle est absente ou silencieuse, devient un terrain où l’impunité prospère.
L’enlèvement d’Elhadj Adama Keïta révèle une fracture profonde entre les promesses publiques du régime militaire et la réalité vécue par les Guinéens.
Tant que la vérité ne sera pas faite, cette disparition restera le symbole d’un pouvoir qui semble incapable ou peu désireux de protéger ses citoyens des dérives qui s’installent à l’ombre de l’État.
